Read and understand French – Vocabulary and culture – Define the following French words and expressions
Si les langues régionales ont décliné en France, les accents souvent résistent. Que s’est-il passé ? D’où provient l’accentuation ? Entretien avec le linguiste Philippe Boula de Mareüil, directeur de recherche au CNRS.
De quand datent nos accents régionaux ?
Les accents sont aussi vieux que le langage. Au XVIe siècle, le français – qui s’était développé lors de l’essor démographique du bassin parisien aux XIIe et XIIIe siècles – était encore peu répandu en France. On parlait diverses langues, différents dialectes d’oc ou d’oïl, comme le champenois, le picard ou le normand, ainsi que des variétés non romanes comme le basque, le breton et des dialectes flamands ou alsaciens. Aujourd’hui, si les langues minoritaires sont en danger, les accents résistent encore dans certaines régions.
Bien souvent, on reconnaît un Méridional à sa prononciation – « mère » étiré en deux syllabes avec le « e » ou « canton » perçu comme « caneton » par les gens du Nord – ou encore un Alsacien – qui prononcera « bidon d’huile » comme « python-tuile » et « jalousie » comme « chat-loup-scie » –, d’où d’innombrables charades et plaisanteries. TRY TO PRONUNCE WITH THE LOCAL ACCENT
Un accent n’est perçu que dans la mesure où il s’écarte d’une langue qui est la norme. D’où vient-elle ?
Dans un pays aussi centralisé que la France, le rôle linguistique des élites, et aujourd’hui des notables de la capitale, est depuis longtemps considérable. Au XVIe siècle, le grammairien anglais Jehan Palsgrave décrétait que la forme de français la plus pure était celle qui était parlée sur les bords de la Loire, en Touraine, où les rois de France aimaient aller chasser. Trois siècles plus tard, Alfred de Vigny écrira, à propos des Tourangeaux : « Leur langage est le plus pur français, sans lenteur, sans vitesse, sans accent ; le berceau de la langue est là, près du berceau de la monarchie. » De là provient le mythe selon lequel le français de Touraine serait le plus « correct ».
Quel fut le rôle de la cour ?
Au XVIIe siècle, l’entourage du roi s’est recentré autour de Paris, puis de Versailles. En 1647, l’un des premiers académiciens français, Vaugelas, définit alors le bon usage de la langue comme « la façon de parler de la plus saine partie de la cour ». Au XVIIIe siècle, ce prestige de la cour fut contesté, notamment à la Révolution française, par la bourgeoisie, qui prend le pouvoir. Au XIXe siècle, c’est aux écoles normales qu’a été confié le soin de former les instituteurs, pour transmettre la norme.
Comment l’unification s’est-elle faite ?
Au XXe siècle, cette norme a été attribuée à la bourgeoisie parisienne, plus précisément, d’après divers linguistes, à la « conversation “soignée” des Parisiens cultivés » et à la « conversation sérieuse mais détendue de la classe dirigeante de la capitale ». Dans un contexte d’unification et de brassage social des deux guerres mondiales, la prononciation de la bourgeoisie parisienne s’est étendue aux classes moyennes, et se voit de plus en plus diffusée par les grands médias.
Aujourd’hui, ce sont les journalistes, à la radio et à la télévision, qui définissent la norme de prononciation d’un français dit « standard ». En France, où l’Etat et les médias audiovisuels sont très centralisés, il n’est pas étonnant que ces « professionnels de la parole publique » incarnent et véhiculent la norme. Il n’en va pas ainsi chez nos voisins italiens et allemands, où il est courant d’entendre différents accents régionaux à la télévision. En France, un accent peut s’entendre sur les ondes, mais plus souvent dans le commentaire sportif que dans d’autres rubriques.