French reading – Francophone world – French comprehension in French
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Placer hors du temps les livres et les lecteurs
Seule librairie française du Brésil, la Livraria francesa de São Paulo à l’enseigne de la nostalgie et de la modernité n’a pas son pareil dans toute l’Amérique latine.
Impossible d’entrer dans la Livraria francesa par hasard, au gré de flâneries dans la rue Barão de Itapetininga. Au numéro 275 de cette rue piétonne du centre de São Paulo, il n’y a qu’une petite plaque discrète, en lettres rouges sur fond gris. La librairie, elle, se cache tout au fond du couloir, derrière le comptoir du gardien. La majorité de la clientèle est constituée d’habitués qui connaissent bien les lieux, depuis soixante trois ans que la librairie a ouvert ses portes à cet emplacement même. Les librairies voisines sont, elles, parties dans les années 1970 et 1980. « Le quartier s’était considérablement dégradé, explique Silvia Monteil, la directrice de la librairie, et nos clients hésitaient à venir. Nous avons songé à fermer boutique, nous aussi. Mais c’est là qu’était le siège. Et puis, nous étions protégés de la rue. » Finalement, au lieu de partir, la librairie décide d’ouvrir une annexe, en 1986, à Vilà Olimpia, un quartier plus résidentiel à proximité des Jardins et du lycée français.
Un lieu de mémoire et de présence culturelle
Entre les deux magasins, les livres vont et viennent quotidiennement au gré des demandes des clients. Mais c’est rue Barão de Itapetininga qu’arrivent les commandes. « Il faut compter entre vingt et trente jours, explique Silvia Monteil. Les livres sont transportés par avion, mais il y a le temps du groupage des commandes en France et puis la douane, où les colis restent à peu près trois jours. »
C’est du sous-sol de la librairie que les ouvrages partent aux quatre coins du Brésil, pour les foires du livre où la librairie est très présente, ou vers les acheteurs qui ont passé commande sur le site Internet. « La vente en ligne marche très bien depuis que nous avons massivement investi dans notre site, il y a deux ans. Elle représente à l’heure actuelle 20 % du chiffre d’affaires. » À côté des balances – pour calculer les frais d’envoi, souvent sur plusieurs milliers de kilomètres – et des ordinateurs, un objet insolite, d’un autre âge : une vieille machine à écrire.
Plus de 100 000 volumes
La machine à écrire n’est pas le seul témoin des débuts de la librairie. Chargé de la mémoire de Claude Lévi-Strauss, de Michel Foucault, de l’ex-président brésilien Cardoso qui en furent des habitués, mais aussi de celle de Sartre dont la venue provoqua une véritable émeute, ce lieu n’a pas beaucoup changé depuis les années 1950. Les clients résistent : « Quand nous avons repeint un pan de mur en rouge, nous avons eu beaucoup de reproches ! » Le sol en mosaïque vert et blanc est celui que Paul Monteil avait fait poser en son temps, les étagères et tout le mobilier en bois massif ont eux aussi traversé les années. On a l’impression d’avoir pénétré, au bout de ce couloir, dans l’antre d’un bouquiniste, mais un antre de bouquiniste moderne et spacieux, où les dernières parutions voisinent avec d’autres ouvrages un peu jaunis par le temps. Plus de 100 000 volumes, l’une des plus grandes librairies francophones du monde. « Nous n’avons pas de droit de retour, nous sommes trop loin de la France ! » La librairie possède de ce fait des livres devenus introuvables ailleurs, comme cette belle série de classiques grecs et latins de la collection Guillaume Budé, aux éditions des Belles-Lettres, dont le stock a brûlé il y a quelques années.
Avant d’acheter, les clients peuvent feuilleter les livres à loisir en s’installant dans les grands fauteuils de la librairie. Dans l’annexe de Vilà Olimpia aux grandes baies vitrées, on peut en plus profiter du café Monteil, ouvert en 2007, et faire une pause sur sa terrasse pour savourer une quiche lorraine ou une salade niçoise. « Les clients restent souvent deux ou trois heures chez nous, indique l’un des libraires, Sergio. Ici, ils oublient le temps. » C’est là le charme de la Livraria francesa : placer un peu hors du temps les livres et les lecteurs.
Silvia Monteil, de l’agronomie à la librairie
Depuis 2005, Silvia Monteil dirige la Livraria francesa. Pas plus que son grand-père Paul Monteil, Silvia ne se destinait à la librairie. Elle aussi scientifique, passionnée de biologie, elle part faire un doctorat d’agronomie en France. Le décès de son frère, qui devait reprendre l’entreprise familiale considérablement développée par leur mère, Claudie Monteil, figure de la Francophonie brésilienne, vice-présidente de l’Alliance française, la conduit à changer ses projets.
Le français, elle ne l’a jamais vraiment appris. Mais elle en a été imprégnée toute son enfance, à la maison, où ses parents parlaient français, même si elle répondait toujours en portugais : « Quand il a fallu parler français, c’est venu tout seul ! » Le passage de l’agronomie à la librairie n’est pas pour autant évident, même si la librairie n’est pas un domaine inconnu. « Je suis née dans les étagères, dit-elle en souriant. Je venais très souvent, je m’installais dans un coin et je lisais des BD. Mais je travaillais avec les bêtes, il a fallu que j’apprenne à travailler avec les gens. » La librairie emploie aujourd’hui 35 salariés.
Source: fdlm.org
QUESTIONS
1) Pourquoi n’est-il pas possible de rentrer dans la librairie française de Sao Paolo par hasard ?
2) Pourquoi la directrice dit-elle que les clients hésitaient à venir?
3) Quelle solution a finalement été trouvée ?