French conversation: les stereotypes – Read and understand French – French Vocabulary — French description
Deux Américains à Paris, en échange universitaire pour un semestre à Sciences-Po. Ils parlent bien le français, mais ici, ils découvrent la lune, ou presque. Le rapport étudiants/profs, la politique, la manière de boire, celle de s’habiller…
Ils auraient pu choisir une autre fac, à Paris ou en région, comme d’autres camarades de Duke University, en Caroline du Nord. Mais Jacques et Liliana maîtrisaient assez la langue pour postuler à Sciences-Po. La réputation de l’école les attirait, ils avaient autant envie de bosser dur que de faire du tourisme culturel.
J’ai vu Jacques fin mars à Montparnasse, entre deux cours. « Senior » à Duke, c’est-à-dire en quatrième et dernière année, il a suivi un « double major » en français et en histoire.
Liliana, rencontrée dans un café de Duke fin avril, juste avant ses examens, est une « junior » en fin de troisième année qui étudie les sciences politiques, le français et les civilisations sud-américaines.
Des profs moins accessibles
Ni e-mail ni numéro de téléphone
Jacques est déçu par la qualité de la relation étudiant-professeur :
« Le prof français est un maître qui a peu d’interactions avec les étudiants. Déjà, contrairement à l’université américaine, on n’a pas besoin de se préparer au cours à l’avance par des lectures, dans l’objectif de participer. Ici on doit écouter, à la rigueur poser des questions à la fin. Mais pas intervenir avec ses propres idées.
Cela dit, mes profs sont bons, j’apprends plein de choses, notamment dans mon cours d’histoire politique délivré avec une perspective française. Mon prof a un point de vue socialiste, un angle pas fréquent aux Etats-Unis. »
Drôle de dissert’
« Chez nous, on écrit plus librement »
Tous les étudiants américains passés par la case France évoquent cette stupéfiante singularité de la dissertation à la française, confite dans le célèbre moule cartésien introduction-développement-conclusion, ou dans sa variante du plan dialectique, hypothèse-thèse-antithèse-synthèse.
« Moi, j’ai plus l’habitude d’interroger »
L’exercice est si spécifique que Sciences-Po propose un cours d’entraînement à la dissertation à ses étudiants étrangers, lors de leur semaine d’intégration. Jacques est réservé sur la formule :
« Je comprends la valeur de la synthèse, mais c’est une méthode ancienne. Tous les sujets ne comportent pas forcément deux ou trois approches à examiner successivement avant d’en arriver à la conclusion. C’est comme si la forme l’emportait sur le fond, je ne sais pas si c’est typique de Sciences-Po.
Chez nous, on met davantage l’accent sur la critique, laquelle, en France, est éventuellement tolérée en conclusion. Moi, j’ai plus l’habitude d’interroger, d’ajouter quelque chose au débat auquel l’auteur n’aurait pas pensé ou peu développé. En France, on insiste plus sur l’analyse objective. »
Au contraire, Liliana a aimé les règles strictes de la dissertation :
« Cela m’a aidée à organiser mes idées, à ne rien oublier de ce qui était contenu dans la question. C’est vrai que chez nous, on écrit plus librement, avec plus de fluidité et de créativité. Mais cela ne convient pas à tous les sujets. »
La mode pour tous
Ici, « c’est la fashion week tous les jours »
On ne s’étend pas sur le sujet, et on glisse sur un constat plus futile, lequel revient malgré tout en boucle quand on parle avec n’importe quel Américain : il y a un monde entre les manières françaises et américaines de s’habiller.
« Moi, oui, mais à Sciences-Po, personne ne porte ça pour aller en cours. On a l’impression que les Français passent un temps fou à réfléchir à comment s’habiller. »
Liliana admet avoir eu plusieurs conversations animées avec des amis français sur l’importance de s’habiller « correctement » pour « respecter » les autres :
« Moi, je m’habille pour être à l’aise. De toute façon, en France, je n’aurais pas pu suivre, je n’ai pas assez d’argent, les filles sont bien trop élégantes, c’est comme la fashion week tous les jours. »
Des nuits moins alcoolisées, mais plus longues
« Heureusement, les Français boivent moins d’alcool fort »
Liliana, qui n’a que 21 ans, en est encore épuisée !
« Je me trouvais trop vieille pour faire la fête comme les Français. Leurs soirées durent toute la nuit, je n’en pouvais plus. Heureusement, ils boivent moins d’alcool fort, plutôt du vin qu’ils n’avalent pas trop vite. Et comme ils fument tout le temps, ça ralentit le rythme. »
« Aux USA, on fait des “drinking games” »
Je n’avais jamais vu la clope sous cet angle positif ! Jacques confirme : il a du mal à tenir la cadence des noctambules parisiens.
« Aux USA, on fait des “drinking games” (compétitions d’alcool) avant de sortir, et on rentre au plus tard à 2 heures du matin. A Paris, le métro ferme, alors les gens restent en boîte toute la nuit.
Ils tiennent car il n’y a pas ces concours d’alcoolisation. On boit quelques verres, et c’est surtout la conversation qui anime les soirées. »
« Ce sens de l’élite qu’on nous renvoie constamment »
J’émets l’hypothèse que les étudiants de Sciences-Po se satisfont d’appartenir à une école dite d’élite, étiquette suffisant à les situer sur le prisme social. Mais l’assomption ne tient pas, car les étudiants de Duke sont triés sur le même volet de l’excellence scolaire.
A propos de cette étiquette, Liliana grimace :
« Ce sens de l’élite qu’on nous reproche de ressentir, nous de Duke et ceux de Sciences-Po, on n’en est pas seuls responsables. C’est ce que la société, les autres, nous renvoient constamment : “Vous êtes l’élite.” C’est réducteur ! »
« Pour moi, la liberté est plus importante que l’égalité »
Jacques entend par là : les services publics, l’école, la Sécu, la sévère législation du travail, la surveillance de la laïcité, les prestations sociales… autant de domaines dont le gouvernement américain cherche à rester le plus possible éloigné, en accord avec la volonté populaire majoritaire.
« J’admire cette volonté française de veiller à la vie publique. Mais je suis américain. J’aime que l’Etat ne se mêle pas trop de nos vies. Pour moi, la liberté est plus importante que l’égalité. Mais je voudrais bien que mes concitoyens se sentent plus concernés par la vie publique. »
Mais cette fois, Liliana bondit, absolument pas d’accord avec son camarade :
« Je travaille souvent avec des groupes défavorisés – des Latinos aux Etats-Unis, des Haïtiens au Chili – et pour moi, l’égalité entre citoyens est aussi importante que la liberté. »
Il ne suffit évidemment pas d’être de la même nationalité pour voir la vie de la même façon.
Source: blog,rue49.com